vendredi 2 août 2013

Le concerto de la peur (1963)



Après  " A cause, à cause d'une femme" de Michel Deville, mon agent artistique Blanche Montel me proposa pour le casting du deuxième film de José Bénazeraf : "Le concerto de la peur" connu aussi sous le titre : "La drogue du vice".



Synopsis:
Au coeur d'affrontements entre trafiquants de drogue, la laborantine Nora /Yvonne Monlaur, devenue un témoin compromettant est enlevée et sequestrée dans une demeure reculée par Eric Wolf /Hans Verner. Il en tombe amoureux. Nora doit sa libération au gang rival et assiste impuissante à la mort d'Eric.



A l'époque José Benazeraf était plus connu en tant que producteur. Il n'avait pas encore gagné cette notoriété de cinéaste culte auprès de générations de cinéphiles érotomanes.
Je me souviens qu'il me reçut avec sa femme dans son appartement parisien. Il devait vouer une véritable passion pour Napoléon 1er car l'aigle et l'abeille, emblèmes fameuses de l'empereur, ponctuaient la décoration du salon.

Il me parla du sujet du film. Des rivalités entre trafiquants de drogue. Il me parla de l'importance de mon rôle - Nora la laborantine, otage d'un gang et convoitée par le chef interprété par Hans Verner. A aucun moment, il n'évoqua les scènes de nudité avec moi.

Avec Hans Verner

J'étais ravie de jouer aux côtés de Michel Lemoine que je connaissais déjà. Un homme drôle et délicieux que j'aurais de nouveau à mes côtés dans "Mission spéciale à Caracas".
J'ai aussi fait la rencontre de Jean Pierre Kalfon. Nous nous retrouverons ensuite dans le feuilleton télévisée Chevalier Bayard.

C'était interessant de participer à ce tournage si différent des autres. Les plans étaient très statiques. Cette manière de filmer allait à l'encontre de ce que l'on pouvait attendre du découpage d'un film de genre comme le polar. A l'arrivée cela donnait un ton très personnel à la réalisation.

"Le Concerto de la peur" était un film bizarre à l'image du metteur en scène, gentil, cultivé puis brusquement grossier.
Notamment lors de la scène où je me bats avec Régine Rumen.


Benazeraf s'est brusquement levé de son fauteuil . Il est venu me secouer comme un prunier, me reprochant de ne pas être assez agressive avec ma geôlière. Comme je ne suis pas d'un tempérament à me laisser faire, je me suis mis à me débattre et à le violenter à son tour  tant et si bien que, les répétitions se prolongeant, j'avais l'impression de me battre plus avec lui qu'avec Régine !

A d'autres moments nous parlions littérature entre les prises, moi de mes chers russes, Pouchkine, Dostoievski, Gogol et lui de Montherlant dont il considérait l'oeuvre comme sa bible.
Toutefois je me gardais bien d'évoquer mon père poète car aucun des mes proches n'était vraiment au courant du scénario que j'étais en train de tourner et je ne souhaitais pas qu'il le soit d'une manière ou d'une autre. J'avais quand même le sentiment de faire un film entre deux eaux qui aurait pu les choquer.

Avec Régine Rumen

Je pense à cette scène dénudée en voiture durant laquelle mes deux kidnappeurs déboutonnent mon corsage pour découvrir ma poitrine. Elle n'était pas dans le script. Au moment où je feignais l'évanouissement, j'entendis Bénazeraf ajouter "- il faut ajouter plus de sexe!".
Je me suis sentie un peu piégée sur le coup et puis très vite j'ai compris que c'était dans l'intérêt de la scène. J'ai obtempéré.

A un autre moment, j'avais une scène d'amour avec Michel Lemoine dans le bois de Verrières, au milieu de la nuit.
Benazeraf nous laissa libre d'improviser, il faisait tellement froid. Nous étions heureux de nous serrer l'un contre l'autre pour nous réchauffer. Cette étreinte ne suffit pas à nous protéger.
La dernière prise achevée, les acteurs comme l'équipe technique, quittèrent le plateau très enrhumés.

Avec Hans Verner et Michel Lemoine

A la suite de ce film, on m'a proposé de nombreux rôles dénudés. L'érotisme très en vogue dans les années 70 commençait à devenir un ingrédient indispensable de la production du film de genre.
Mais il n'était pas question pour moi que je passe mon temps à m'enrhumer sur les plateaux !
Il y avait bien ces propositions intéressantes qui venaient de l'étranger mais elles m'auraient éloigné de ma famille à une époque où j'avais besoin d'une vie plus stable. Je me suis tourné vers la télévision.

Nora au chevet d'Eric (Avec Michel Lemoine et Hans Verner)

"Le concerto de la peur" est sorti au cinéma le Midi Minuit.
La salle était pleine. Je le sais . Je faisais parti des spectateurs. C'est toujours une satisfaction quand on a  fait un film de venir incognito découvrir les premières réactions du public. "Le Concerto de la peur"
fut bien accueilli.



Je vous souhaite à toutes et tous d'excellentes vacances d'été.
Merci pour vos sympathiques commentaires. Je vous embrasse.




2 commentaires:

Dirty Max 666 a dit…

Merci pour ces précieuses et passionnantes chroniques ! De véritables trésors pour le cinéphage que je suis. Je ne me lasse jamais de vous lire comme de revoir vos films, chère Yvonne !

Add a dit…

Excellent article, merci. Une partie du texte rappelle le réalisateur, scénariste et producteur de cinéma français José Bénazéraf décédé le 1er décembre 2012. www.avis-de-deces.com/deces-celebrites/1530/Jose-BENAZERAF

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